Jimmy Richer.

Julie Crenn

Les œuvres de Jimmy Richer résultent de recherches en lien avec un territoire, un bâtiment, un objet. Les recherches génèrent des histoires et des images qu’il va, tel un décor de théâtre, déployer dans l’espace d’exposition. Le dessin, son medium de prédilection, n’est pas réduit à une feuille de papier, bien au contraire, il contamine les murs et d’autres supports pour inviter le regardeur à une expérience physique de l’œuvre. Autant influencé par la bande dessinée que par les livres d’heures, Jimmy Richer hybride les iconographies passées et présentes au profit d’une ligne claire et colorée dont il assume la dimension populaire, ludique et pédagogique. 

Dans les sous-sols du centre d’art, Jimmy Richer réactive une installation imaginée dans le cadre de la résidence d’artistes Pollen (Monflanquin). Solocto est une œuvre immersive in situ formée de tables semblables à des boussoles ou des cristaux. Elles projettent de la lumière noire qui vient révéler une constellation de dessins réalisés à même les murs au moyen de peinture, d’aérosols et de feutres. À travers eux, l’artiste construit un champ lexical formel lié à l’ésotérisme, à la magie noire ou au spiritisme : têtes de mort, bougies, dés, fantômes, étoiles, ossements, mains et autres créatures étranges. Il s’appuie sur une iconographie qui est fortement ancrée dans l’imaginaire collectif occidental, notamment par la littérature et le cinéma. Il extrait également des références issues d’ouvrages spécifiques comme Le Grimoire du Pape Honorius (1670), un recueil de conjurations, de maléfices et d’enchantements destiné au Pape. À la fois chercheur et créateur de récits, Jimmy Richer articule les savoirs et se joue des vérités pour déverrouiller les imaginaires. 

Source

Texte publié dans le catalogue de la Biennale de la Jeune Création, La Graineterie, Houilles, 2018.

Auteur·e

Julie Crenn est critique d’art (AICA) et commissaire d’exposition indépendante. Depuis 2018, elle est commissaire associée à la programmation du Transpalette – Centre d’art contemporain de Bourges. En 2005, elle a obtenu un Master recherche en histoire et critique des arts à l’université Rennes 2, dont le mémoire portait sur l’art de Frida Kahlo. Dans la continuité de ses recherches sur les pratiques féministes et décoloniales, elle reçoit le titre de docteure en Arts (histoire et théorie) à l’Université Michel de Montaigne, Bordeaux III. Sa thèse est une réflexion sur les pratiques textiles contemporaines (de 1970 à nos jours). Depuis, elle mène une recherche intersectionnelle à propos des corps, des mémoires et des militances artistiques.

Critique d’art, elle collabore régulièrement avec les revues Artpress, Africultures, Laura, Branded, Ligeia, n.paradoxa ou encore Inter, art actuel. Commissaire d’exposition indépendante, elle a réalisé plusieurs projets : La Graineterie (Houilles), MAC VAL, musée d’Art contemporain de Rochechouart, musée des Beaux-Arts de Dole, FRAC Réunion, musée Thomas Henry à Cherbourg, ICAIO (Mauritius), galerie Lot10 (Brussels), Artothèque de Caen, Maison des arts de Malakoff, Transpalette (Bourges), Le Cube – Independant art room (Rabat), Le Parvis (Tarbes), galerie Polaris (Paris), FRAC Aquitaine, MIAM (Sète), CAC La Traverse (Alfortville), Espace de l’Art Concret (Mouans-Sartoux), FRAC Franche-Comté (Besançon), galerie Odile Ouizeman (Paris), galerie Claire Gastaud (Clermont Ferrand), Faux Mouvement – Centre d’art contemporain de Metz. En 2018, Julie Crenn fut la directrice artistique de la résidence Les Ateliers des Arques dans le Lot.